
Comment choisir son papier d'art pour dessiner et peindre ?
a) La composition du papier à usage artistique
On peut définir le papier comme un mélange principal de fibres cellulosiques et d’eau à l’intérieur d’une forme. Une fois ces fibres encollées, pressées et séchées, on obtient un support plat servant à l’écriture, le dessin, la peinture, l’impression, etc. Dans notre cas, on va s’intéresser à son utilisation artistique.
La composition du papier est très liée aux sources locales à disposition pour le fabriquer. En Occident par exemple, on utilise plus traditionnellement les fibres textiles comme le coton. En Extrême-Orient, on trouve facilement l’écorce du mûrier à papier et le bambou. L’arrivée de la pâte à bois au XIXe siècle a révolutionné l’industrie du papier et a permis une diffusion beaucoup plus large de ce support.
La composition du papier joue un rôle très important dans la pratique artistique.
- Si la technique employée est plutôt sèche (crayon, craie, feutre, pastel), le choix proposé par les fabricants va s’orienter vers la fibre de bois.
- Pour les techniques humides comme l’aquarelle, on apprécie la fibre de coton.
- Pour des techniques comme l'acrylique et l'huile, on ne recommande pas le papier. Toutefois, il existe des papiers de type toilé qui permettent l'usage de ces techniques, à retrouver chez quelques fabricants.
Ces suggestions n’ont rien de figé car les papetiers beaux-arts innovent en permanence pour produire des papiers adaptés à de multiples techniques à partir de pâte à bois.
Selon l’encollage, les charges, la pression et le séchage, on obtient des papiers très différents mais tous à partir de cellulose.
Lire le papier : les mentions fréquentes rencontrées sur les blocs de papier
“Sans acide” : la lignine acide présente dans la fibre de cellulose est retirée pour éviter le jaunissement du papier. C’est une garantie de conservation.
“Sans azurants optiques” : un azurant optique est un traitement qui permet d’accentuer la blancheur d’un papier à l'œil nu.
“FSC” ou “PEFC” : le papier est issu de forêts protégées et entretenues de manière éco-responsable.
“ISO 9706” : cette norme mondiale spécifie les degrés de permanence du papier (résistance à la déchirure, à l’acidité, à l’oxydation)
b) Choisir le grammage du papier en fonction de la technique
Le grammage est le poids d’une feuille de papier. C'est la mesure de l'épaisseur d'une feuille de papier par rapport à sa surface.
Le grammage du papier a une très grande importance selon la technique artistique que l’on veut employer. Plus elle est humide, plus le grammage devra être élevé pour que la fibre de papier puisse contenir l'eau.
Par exemple, on recommande fortement l’aquarelle sur un grammage supérieur ou égal à 300g/m² pour que les couleurs puissent être travaillées sans déchirure ni gondole. Les papiers plus fins sont généralement utilisés pour des techniques sèches ou d’une faible humidité.
Grammage | Exemple de papier | Exemple d'utilisation |
5-10g/m² | Papier japonais | Restauration d’œuvres d’art |
10-45g/m² | Papier chinois, japonais | Restauration, calligraphie asiatique |
70g/m² | Papier calque | Reproduction de dessin |
75g/m² | Papier layout | Feutre à alcool |
90-200g/m² | Papier dessin | Crayon, craie, fusain, encre de Chine |
200-250g/m² | Papier bristol | Encre de Chine, feutre à alcool, crayon |
300g/m² | Papier épais non-cartonné | Aquarelle, acrylique, huile, encre |
>400g/m² | Papier épais cartonné | Aquarelle, acrylique, huile, passe-partout |
c) Le grain du papier
Le grain du papier est la texture de sa surface ressentie au toucher.
C’est un élément important lors du choix de son papier car il va déterminer le rendu de la technique utilisée. En dessin, le grain favorise l’accroche de la matière au papier.
Certaines techniques demandent un grain lisse (le feutre à alcool par exemple) et d’autres un grain rugueux (le pastel). Le grain fin est un bon compromis entre les deux qui sert en dessin comme en aquarelle.
Il faut adapter le grain du papier en fonction de l’outil que l’on souhaite utiliser.
Grain du papier et exemple d'utilisation :
- Lisse → Stylo, feutre à alcool, porte-plume
- Satiné → Porte-mine, feutre aquarellable, aquarelle
- Fin → Crayon graphite, crayon de couleur, aquarelle
- Moyen → Pastel gras, craie, aquarelle
- Fort → Fusain, pastel, aquarelle
- Torchon → Aquarelle
- Toilé → Acrylique, huile
Image Hahnemühle. Plus d'informations sur le blog Hahnemühle.
d) Les origines des formats du papier
Le format représente la dimension de la feuille. Le côté le plus petit est sa largeur et le côté le plus long sa longueur. Généralement, le format est donné en centimètres.
Les feuilles se présentent de deux façons: à la française (portrait) ou à l’italienne (paysage).
Autrefois, les papetiers découpaient leurs feuilles dans les formats qui se vendait le mieux sans vraiment avoir de norme. C’est au XVIIe siècle que l’on voit apparaître un contrôle des formats de papier (une cinquantaine quand même !). Quelques noms sont parvenus jusqu’à nous notamment le format Raisin (50 x 65 cm), Jésus (56 x 76 cm), Univers (100 x 130 cm). Les autres sont tombés en désuétude.
Le XXe siècle a imposé la normalisation des formats administratifs et commerciaux : le célèbre découpage en A. Le format A0 a une surface de 1 m² et ses dimensions sont calculées par rapport au nombre d’or, soit 84,1 cm x 118,9 cm. Ce format se subdivise en une moitié, le A1 (56,4 cm x 84,1 cm). Puis le A1 coupé en deux devient A2… jusqu’au format A4 (21 cm x 29,7 cm) le plus connu.
Les formats de papier “à l’ancienne” et normalisés en A se côtoient dans le monde des Beaux-Arts français. En Amérique du Nord et au Japon, c’est le format US Letter (calculé en pouces) qui est employé.
e) Les secrets de la conservation du papier
Certains artistes découvrent que leurs œuvres se sont abîmées avec le temps : le papier a jauni ou s'effrite. Cela peut être préjudiciable en vue de la vente et l'exposition de leur réalisation sur la durée. En effet, l'artiste doit garantir la pérennité de son oeuvre. Le choix du papier pour cela est primordial. Nous vous expliquons le phénomène de vie du papier.
Le pH du papier (allant de 0 à 14) définit sa nature acide (de 0 à 6), neutre (7) ou alcaline (8 à 14). Plus le pH est faible, plus le papier va se dégrader au fil du temps.
Le papier fabriqué à partir de la pulpe de bois dont la lignine (qui génère de l'acidité) n’a pas été enlevée aura tendance à jaunir et se détériorer (exemple papier journal). En effet, les molécules de papier exposées à la lumière ou à la chaleur se dissocient les unes des autres. C'est pourquoi le papier acide s'abîme avec le temps.
Pour enlever l’acidité du papier, les papetiers le traitent avec du carbonate de calcium entre autres. Cela permet de détruire les acides présents dans la pulpe de bois. Pour empêcher la reformation d’acides, ils tamponnent le papier à l’aide d’un durcisseur.
Ce processus est extrêmement présent dans la fabrication de contrecollés, voués à l'exposition. Le carbonate de calcium est même augmenté de 2 à 5% dans la masse pour fournir une réserve alcaline qui va permettre de ne pas descendre en dessous du pH neutre. Cette réserve permet par conséquent au papier de durer longtemps à l’exposition.
C'est pour cette raison que l'on retrouve la mention "sans acide" (codifiée avec le symbole de l’infini) sur les papiers d'art de qualité.
La mention "sans acide" est une garantie de conservation en vue d'une exposition ou d'un archivage.